L’accord franco-algérien de 1968 : Pourquoi le RN veut-il le dénoncer ?

Estimated read time 5 min read

Actuellement, les relations entre Paris et Alger sont plutôt tendues, et l’accord franco-algérien de 1968 est de nouveau dans le viseur. Cela fait suite à l’adoption d’une proposition de résolution par l’Assemblée nationale, soutenue par le RN, qui demande à notre gouvernement de remettre en question cet accord. Mais qu’est-ce qu’il faut vraiment savoir sur ce traité ? Décortiquons-le.

Surprise pour certains, ce texte du RN a été voté le 30 octobre par l’Assemblée nationale. On y demande de dénoncer un accord, en vigueur depuis 1968, qui accorde un statut particulier aux Algériens en fixant leurs modalités de circulation, séjour et emploi en France.

Ce vote marathon indique clairement l’état tendu des relations diplomatiques entre Paris et Alger, accentué après plus d’un an de crise. Il arrive également après la publication d’un rapport parlementaire qui remet en question les dérogations dont bénéficient les Algériens au nom du principe d’égalité.

Découverte de l’accord de 1968

Alors, c’est quoi cet accord que tous semblent vouloir discuter ? Signé le 27 décembre 1968, ce traité établit des règles spécifiques pour les Algériens en matière de mobilité et d’emploi.

Cet accord dépasse la législation nationale, puisqu’il est protégé par le droit international, ce qui signifie que les Algériens sont exemptés des lois générales d’immigration.

Constat intéressant : au lieu d’avoir une carte de séjour ordinaire, les Algériens en France détiennent ce qu’on appelle un « certificat de résidence pour Algérien ». D’ailleurs, en 2024, plus de 613 000 certificats ont déjà été délivrés par le ministère de l’Intérieur.

Pourquoi avoir signé cet accord ?

Ce traité a été signé juste après la fin de la guerre d’Algérie en 1962, lors d’une période où la France avait grand besoin d’une main-d’œuvre pour relancer son économie.

Dans un décret du 18 mars 1969, le gouvernement explique qu’il souhaitait assurer un flux régulier de travailleurs, considérant l’immigration algérienne traditionnelle.

732 000 Algériens demeurent en France aujourd’hui, faisant d’eux le plus grand groupe d’étrangers sur le sol français, d’après les dernières statistiques du Ministère de l’Intérieur.

Les mesures centrales de l’accord

Cet accord présente un cadre d’immigration plutôt aimable pour les Algériens : pas besoin de visa de long séjour, ils peuvent s’établir sans contraintes pour travailler, et bénéficient d’un accès accéléré à un titre de séjour de 10 ans.

En cas de regroupement familial, les nouveaux arrivants peuvent également obtenir ce certificat de résidence de 10 ans, si leur famille, qu’ils rejoignent, possède déjà un titre de séjour.

Il y a aussi des différences concernant le temps minimum de séjour pour demander un certificat de 10 ans comparé à d’autres nationalités : pour les Algériens, c’est trois ans, contre cinq pour les autres.

Cependant, il existe des lacunes : exemple, les étudiants algériens rencontrent des difficultés pour travailler sans obtenir une autorisation précise, ce qui n’est pas le cas pour d’autres nationalités.

Malgré trois révisions de l’accord en 1985, 1994 et 2001, beaucoup d’éléments originaux ont été conservés, en particulier les dérogations aux règles générales d’immigration.

Est-ce qu’une dénonciation est réalisable ?

D’abord, il faut savoir que le récent vote de l’Assemblée nationale n’est pas contraignant. Le gouvernement a la possibilité d’ignorer ces décisions, même si la présidente du RN, Marine Le Pen, veut que le gouvernement prenne ce vote en compte. Beaucoup pensent que cet accord est aujourd’hui dépassé et signalent que l’Algérie ne veut pas reprendre ses ressortissants en situation irrégulière.

En mi-octobre, deux députés du parti d’En marche ont présenté un rapport en affirmant que cet accord crée des inégalités par rapport aux autres migrants et a un impact économique conséquent. Selon eux, le traité ressemble à une décision unilatérale de la France.

Théoriquement, le gouvernement pourrait dénoncer l’accord par décret, mais cela risquerait de compliquer encore davantage les relations déjà fragiles entre Paris et Alger, surtout après le soutien français au Maroc sur la question du Sahara occidental. Le ministre de l’Intérieur quant à lui, a écarté cette possibilité, soulignant la nécessité de garder des liens sereins avec l’Algérie, notamment pour des raisons de sécurité.

Une option serait de renégocier l’accord, mais cela paraît peu probable à brève échéance face au refus d’Alger de rouvrir le débat sur ce traité. Enfin, la dernière possibilité serrait de maintenir le statu quo, en dépit d’une pression croissante émanant de l’opposition.

Avec AFP

Related Posts: