Pourquoi dansons-nous, que ce soit en solo, en couple ou en groupe ?

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« Anthropologiquement, aucune culture ne semble exempte de danse », nous dévoile Laura Cappelle, sociologue de l’art. Effectivement, la danse va bien au-delà des simples gestes ; elle est un universel partagé aussi avec plusieurs espèces animales. Ce qui change, cependant, ce sont les nombreuses fonctions qu’elle peut revêtir au fil des âges et des cultures, et parfois même le sexe ou la classe sociale sont marqués par ce mouvement.

Les restes des premières danses humaines, politiques ou culturelles, datent d’environ 40 000 ans. Bien qu’il n’existe pas de traces plus anciennes, les anthropologues tentent de dessiner les contours d’une pratique incontestablement plus ancienne. L’archéologue Yosef Garfinkel identifiera cinq grandes étapes dans l’histoire de la danse. D’abord, il évoque la phase initiale de séduction qui pourrait remonter à un million d’années, quelque chose que nous partageons avec le règne animal. En second lieu, il existe des traces d’une vingtaine de milliers d’années liées aux rites funéraires qui ont donné naissance à la danse collective.

Quant aux suivantes, il faudra se plonger dans les arts visuels. Ainsi, l’apparition des danses de transe, « en même temps que le chamanisme, la magie et la religion » est attestée il y a près de 40 000 ans. Puis il y a 10 000 ans se distinguent des danses liées à des événements saisonniers, coïncidant avec l’émergence de l’agriculture. Puis, avec la création des premières villes, il y a 5 000 ans, la danse s’est professionnalisée, devenant ainsi un spectacle pour les foules.

Solitaire, en couple ou en groupe : pourquoi danser ?

En revenant sur les origines de la danse, on peut identifier plusieurs aspects qui demeurent toujours pertinents aujourd’hui. Lorsqu’on parle de l’impulsion pour un mouvement, il convient de se demander pourquoi nous ressentons souvent le besoin de danser, que ce soit en groupes, en couple, ou même seul, rien que pour nous amuser. Disiz, un rappeur, pose pourtant un épisode curieux dans sa chanson Auto-dance: « Eh, pourquoi quand on est enfant, qu’on a un gâteau, on se met à danser tout seul et qu’on fredonne une chanson imaginaire ? Quel est le deal ? »

Gerçant cette question « Pourquoi on danse ? », Laura Cappelle, à la tête de l’ouvrage Nouvelle histoire de la danse en Occident, de la Préhistoire à nos jours, apporte une réponse : « C’est une façon de penser à travers le mouvement, de libérer de la joie et toute une gamme d’émotions qui rigoureusement nous font nous sentir vivants. Nous dansons souvent pour être unis, sans communiquer par la parole. » L’auteure souligne également le lien entre danse et rhétorique, car les deux visent à persuader un public.

En effet, la danse, aujourd’hui, semble moins intégrée dans l’éducation des jeunes. Laura Cappelle s’inquiète : « Puisqu’il est possible de sortir du système éducatif sans jamais avoir apris à danser, beaucoup ont l’impression de moins danser, surtout dans des zones rurales, avec la disparition de danses populaires ou des discothèques. » Il semblerait donc que la danse fasse partie d’un monde de spécialistes où les rituels de vie ne sont pas marqués et deviennent nombreux et sporadiques : juste un examen, ou une réunion de famille pour valider un passage dans la vie ou une saison. Malgré tout, des pratiques collectives demeurent, spécialement lors des célébrations comme le nouvel an et la fête de la musique, synonyme de l’été.

L’ineffable de la danse

La question du genre se pose également : la danse est-elle liée uniquement aux femmes ? « La danse n’est pas exclusivement féminine », rappelle Laura. À l’antiquité grecque, la danse était essentielle à l’éducation militaire où apprendre à danser était aussi apprendre à se battre. Les guerres existaient en lien avec les mouvements.

D’ailleurs, parallèlement à l’ancien régime, la danse était principalement adoptée par les hommes. Ce fut seulement au XIXe siècle, avec l’ascension de la bourgeoisie, que la danse est devenue plus féminine : c’était l’une des rares instances de prise de pouvoir pour les femmes à cette époque, une tendance qui perdure (avouons-le), sauf exceptions notables comme le hip-hop.

De son côté, Yosef Garfinkel fait également le lien entre essences communes de la danse et de la musique. Banalement, la première manifestation de la danse concernerait l’usage de coquillages, non seulement décoratifs MAIS utilisés comme grelots pour ajouter un rhythmique au mouvement. Même si, élaborer en musique s’est fait vite, la danse n’a été rendue formelle en retranscription qu’à partir du XVIIIe siècle. Effroyablement, on peut dire que la danse est l’art le plus récalcitrant à toute verbalisation.

À lire : Laura Cappelle (dir.), Nouvelle histoire de la danse en Occident, de la Préhistoire à nos jours, éditions Le Seuil, 2020.

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