Si tu as des ados à la maison, tu as sûrement remarqué ce paradoxe : ils s’assurent d’avoir toujours leur gourde, évitent le plastique et se battent pour éteindre les lumières (ou fermer les robinets) après leurs parents. Puis, quand il s’agit de mode, ils se précipitent sur les crop tops à tout petit prix de Shein, sans trop réfléchir aux conditions de fabrication ultra-douteuses en Chine. Mais comment cela se fait-il ? s’interroge Jeanne Siaud-Facchin, psychologue, qui croit que la conscience écologique des jeunes est bien présente. « Je le sens chaque jour en consultation, l’avenir de la planète est devenu l’une de leurs grandes préoccupations, au même titre que la vie et l’amour », dit-elle.
Thierry Libaert, spécialiste en communication environnementale, souligne que l’engagement de cette génération est à nuancer. Bien que les médias amplifient leur volonté d’agir, il rappelle que seuls 100 000 jeunes Français avaient défilé pour le climat en 2018, loin des 800 000 qui protestaient contre le CPE en 2006. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Un style de vie « instantané »
Les jeunes portant cette étiquette vivent plus dans le moment présent. « Ils pensent global, mais agissent local », précise l’anthropologue Élisabeth Soulié. Bien qu’ils montrent un certain engagement, le micro-activisme sans héros emblématique est leur préférence, turbo-alimentée par les réseaux sociaux.
Les parents sont souvent bafflés de voir leurs ados remplir leur garde-robe de pièces bon marché chez Brandy Melville, Subdued, Asos, et surtout sur des sites comme Shein ou PrettyLittle Thing. Ces points de vente dans l’ultra fast fashion interviennent à des prix aussi bas, voire moins chers que les géants de la fast fashion qui, eux, commencent à penser à des pratiques plus durables. Pourtant, les reportages choc alertent sur la pollution causée par cette production tout en focalisant sur les conditions de travail de leurs employés. Et ce sont des sujets souvent présents dans les conversations familiales.
Alors, d’où vient ce décalage ? Tout repose sur un facteur crucial : l’argent. Avec le manque de jobs d’été et la crise économique, leur levier d’achat est souvent réduit. Il est donc logique qu’ils se tournent vers des marques qui profitent de cette situation avec des méthodes marketing aguicheuses.
L’influence des réseaux sociaux
Même les réseaux sociaux finissent par compromettre leurs intentions. Louise, une lycéenne de Paris, témoigne de l’influence que ces plateformes exercent. Elle a récemment vu une vidéo sur TikTok d’une fille habillée en Zara et s’est précipitée à l’achat du même haut. Ces plateformes de partage motivent parfois à recapitulater des pièces du style Shein.“Cela suscite des envies et aide vraiment dans le choix de mes achats”, confie-t-elle.
Mais malgré tout, un certain nombre de jeunes commencent aussi à se tourner vers la seconde main. “Je visite des friperies où il est possible d’acheter à des prix solides, comme des Levis pour dix euros”, ajoute Louise, qui personnellement utilise aussi des sites comme Vinted pour revendre ce qui ne l’intéresse plus. “Mais finalement, ces frais supplémentaires font que tout cela prend du temps, et je perds souvent la motivation”.
Ces jeunes comprennent sans béatitude qu’ils alimentent un cycle sans fin. Et même eux qui essaient de restreindre leurs achats se livrent parfois à de nouvelles consommations, en pensant moins à la qualité durable qu’à la quantité des options. “Cette génération est en perpétuel mouvement, entre excessives émotions et divers choix. A l’image de notre monde contemporain, ils reçoivent la complexité de leurs perspectives de façon unique”, conclut Élisabeth Soulié.
