Il y a quelques années, en 2004, le Japon dominait complètement le marché mondial des panneaux solaires en silicium, avec une part de presque 50%. Cependant, la donne a changé lorsque la Chine est arrivée sur le devant de la scène, inondant le marché grâce à sa maîtrise des chaînes de production et à un appui politique inébranlable. Aujourd’hui, l’empire du Milieu règne sur 80% du marché alors que le Japon est tombé à un modeste 1%.
Toujours est-il que Tokyo ambitionne de reprendre son statut dans le domaine industriel et de réaliser la neutralité carbone. Pour y parvenir, le pays mise sur une technologie innovante : la pérovskite.
Des panneaux ultrafins et légers
Notez que depuis l’accident de Fukushima en 2011, les panneaux solaires ont vu une forte augmentation de leur adoption au Japon. Cependant, l’espace disponible pour les installer se fait rare, notamment en raison de la configuration géographique du pays. En conséquence, le Japon se tourne vers la pérovskite, qui présente l’avantage d’être flexible. Cela représente un atout précieux pour augmenter sa capacité solaire.
Les cellules en pérovskite sont élaborées à partir de films plastiques ou de plaques de verre ultra-fines, sur lesquelles on applique des matériaux actifs tels que l’iodure et le plomb. Ces panneaux ont une épaisseur de moins d’un millimètre, sont flexibles et bien plus légers que ceux en silicium. Cette souplesse permet de les installer facilement sur une variété de surfaces : toits courbés, dômes, infrastructures urbaines, et plus encore.
À Tokyo, un immeuble de 46 étages en construction optimisera son usage énergétique avec des panneaux en pérovskite, tandis qu’un stade de baseball à Fukuoka envisage aussi d’en faire usage. Panasonic dépasse les frontières à travers l’intégration potentielle des cellules photovoltaïques dans les vitres. La responsable de recherche Yukihiro Kaneko se projette : « Imaginez si toutes les fenêtres des immeubles de Tokyo étaient garnies de panneaux solaires ? »
Un autre argument fort en faveur de la pérovskite est la richesse en iodure du Japon, un composant essentiel pour la captation de lumière. Le Japon se situe au second rang mondial pour la disponibilité d’iodure, juste derrière le Chili. Cela lui donnerait un avantage crucial pour sécuriser son approvisionnement en cette matière première et ainsi garder le contrôle sur la production, depuis l’extraction jusqu’à la fabrication des panneaux.
Vers une capacité équivalente à 20 réacteurs nucléaires ?
Malgré les défis techniques (durée de vie encore limitée et sensibilité à l’humidité) associés à la pérovskite, le Japon en vise grand avec un objectif ambitieux : déployer 20 GW de panneaux pérovskites d’ici 2040, comme annoncé par le gouvernement en novembre dernier.
Cela équivaut à la capacité d’énergie produite par 20 réacteurs nucléaires. C’est audacieux pour une technologie encore en développement, bien que le pays vise la neutralité carbone d’ici 2050. D’ici 2040, on prévoit que 50% de son mix électrique proviendra d’énergies renouvelables, avec 29% spécifiquement issues de l’énergie solaire.
Pour matérialiser ces ambitions, le gouvernement souhaite donner un coup de pouce à la production industrielle. Le géant Sekisui Chemical, par exemple, a reçu une subvention de 908 millions d’euros pour établir une nouvelle usine, capable de produire 100 mégawatts d’ici 2027, selon l’AFP.
En phase prototype, les cellules s’approchent déjà de l’efficacité des panneaux traditionnels chinois tout en affichant une durée de vie d’environ 20 ans. Prochain défi : passer à l’industrialisation.
