Depuis 1949, la République de Chine à Taiwan a élaboré une stratégie défensive innovante face à la menace de Pékin. Plutôt que de recourir à la force militaire, Taiwan joue sur sa valeur technologique. TSMC est le parfait exemple de ce « bouclier technologique », mais ses récentes expansions à l’étranger soulèvent des questions sur la durabilité de son avantage stratégique.
TSMC: leader mondial de la technologie des puces
Tout a véritablement commencé en 1987 quand Morris Chang a décidé de conquérir le secteur des semi-conducteurs avec une audacieuse fonderie spécialisée, destinée à rivaliser avec des géants comme AMD ou Texas Instruments. Cela a propulsé Taiwan au cœur de la microélectronique mondiale.
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Aujourd’hui, TSMC domine 90 % du marché des puces ultra-sophistiquées, celles intégrées dans les smartphones et autres ordinateurs portables. En plus, la société s’est également imposée parmi les leaders des composants utilisés par l’intelligence artificielle.
La croissance des revenus est épatante, passant de 24 milliards de dollars en 2014 à 88 milliards prévus en 2024, reflétant ainsi l’augmentation fulgurante de la demande en semi-conducteurs avancés.
Une île confrontée à des challenges qui pousse TSMC à se diversifier
Paradoxalement, en raison de son propre succès, Taiwan fait face à des limitations. L’île, mesurant à peine 35 980 kilomètres carrés, a du mal à recevoir les immenses infrastructures de TSMC. En plus de cela, il y a un lourd défi énergétique qui pèse sur la situation.
En effet, la consommation d’énergie de TSMC remet en question la viabilité de ce modèle insulaire. Actuellement, l’entreprise représente 8% de la consommation électrique de Taiwan, une proportion qui pourrait atteindre 25 % d’ici 2030 selon S&P Global. Cette croissance n’est pas sans risques pour l’équilibre énergétique du pays.
L’île est également confrontée à des difficultés démographiques. Avec un taux de fécondité à seulement 0,9 enfant par femme, Taiwan souffre d’un vieillissement démographique rapide, tandis qu’une immigration limitée entrave l’arrivée d’ingénieurs spécialisés nécessaires pour les fonderies de haute technologie.
190 milliards de dollars pour une expansion internationale
La crise du Covid-19 et les pressions géopolitiques américaines ont précipité le changement de cap stratégique de TSMC. Avec l’administration Trump révélant la dépendance des États-Unis vis-à-vis des puces taïwanaises, une diversification géographique s’est imposée.
L’Arizona figure parmi les sites clés de cette transition. Six nouvelles usines de pointe y sont envisagées, pour un investissement colossal de 165 milliards de dollars, soit treize fois le montant initial de 12 milliards qui était prévu pour 2020. Cela démontre à quel point il est complexe de reproduire le savoir-faire taïwanais à l’international.
D’autres projets internationaux complètent cette stratégie, incluant:
- Au Japon: nouvelles fonderies destinées au marché asiatique.
- En Allemagne: des installations pour répondre aux besoins de l’Europe.
- À Singapour: un hub pour superviser l’Asie du Sud-Est.
Ces initiatives transforment la dynamique de l’écosystème TSMC, qui était jusque-là principalement centré sur Taiwan.
Un équilibre précaire entre croissance et sécurité
L’internationalisation de TSMC soulève d’importantes interrogations concernant l’avenir de ce fameux « bouclier de silicium » taïwanais. En effet, cette délocalisation partielle pourrait déséquilibrer la stabilité géopolitique de l’île face à Pékin.
Les restrictions américaines compliquent encore la situation, puisqu’elles interdisent désormais à TSMC de fournir certaines puces d’IA à des clients chinois, bouleversant ainsi l’équilibre commercial qui protégeait la Taiwan d’une agression.
TSMC se retrouve donc à jongler entre trois exigences contradictoires: respecter les attentes de diversification des États-Unis, maintenir son avance technologique et préserver son rôle de bouclier géostratégique pour Taiwan. La manière dont elle parviendra à naviguer au milieu de ces défis déterminera l’avenir géo-politique de la région.
TSMC représente la lutte d’une puissance technologique dotée de l’ambition d’une expansion mondiale tout en devant sécuriser les bases de son existence nationale face aux incertitudes géopolitiques.
